Dominique Perrault Architecture

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15 | 06 | 2015

Inauguration de l'exposition sur les gares du Grand Paris par François Hollande

Vitry-sur-Seine, France

Le 12 juin au MAC/VAL, musée d'art contemporain du Val-de-Marne, François Hollande inaugure l'exposition "Les passagers du Grand Paris Express". L'exposition, dédiée aux gares de la ligne 15 Sud, présente pour la première fois les maquettes des futures gares, dont la gare emblématique de Villejuif-Institut Gustave Roussy.

Sybille Vincendon, Libération, François Hollande: "Le Grand Paris est un projet pour la France"


Entretien avec Dominique Perrault publié dans la Revue du Val-de-Bièvre:
« Comme si la ville descendait jusqu’aux quais du métro »

« Comment cette gare s’intégrera-t-elle à son environnement ?
À l’origine, l’implantation de la gare n’était pas prévue à cet endroit-là, mais à quelques centaines de mètres de l’hôpital. On l’a “recentrée” entre l’hôpital et le parc, pour en faire un élément moteur au cœur du développement du quartier. C’est important car cette gare va jouer un rôle de connecteur entre les différentes composantes du territoire, les structures existantes et celles à venir. Elle va aussi apporter des réponses, qu’on espère les plus efficaces possible, concernant l’accès à l’hôpital Gustave-Roussy lui-même. Car aujourd’hui celui-ci est très compliqué et n‘est plus du tout adapté. Il faut traverser la route, attendre un bus devant l’hôpital, tandis que trouver un taxi est quasi mission impossible. L’entrée dans le hall lui-même est mal organisée. La gare sera donc un prolongement naturel qui met en relation les éléments de confort et les quais. Par exemple, à partir du niveau -1 (pas vraiment un sous-sol car tout sera ouvert), on pourra directement accéder à l’hôpital et donc se déplacer à l’abri, sans danger. C’est l’une des hypothèses sur lesquelles on travaille : pouvoir rayonner à partir de la partie supérieure de la gare, entrer dans le parc de plain-pied ou bien se diriger vers les bâtiments qui seront réalisés en bordure de cette place publique. Nos intentions sont donc liées à la nature de cette gare, qui n’est pas fermée mais ouverte, avec une lumière et une ventilation naturelles : à 51 mètres de profondeur, lorsque l’on sortira du métro, en levant la tête, on apercevra le ciel.
 
Comment y êtes-vous parvenu ? 
La gare sera de forme cylindrique, un peu comme un tronc d’arbre. Autour de l’écorce, on trouvera les locaux techniques, les ascenseurs, les systèmes d’évacuation, etc. Bref, tout ce qui permettra à la gare d’évoluer en toute sécurité. Et le cœur de ce cylindre sera complètement évidé, sur 30 mètres de diamètre. La lumière pénètrera à l’intérieur et des escalators permettront de desservir tous les étages, d’accéder rapidement aux quais. L’architecture devient scénographique : on met en scène les circulations, les montées et les descentes au cœur de la gare. En fait, c’est comme si la ville descendait le long des parois pour aller jusqu’aux quais du métro.

Est-ce un procédé nouveau ou déjà expérimenté ailleurs ?
Nous sommes en train de réaliser la gare centrale de Naples, sur la Piazza Giuseppe Garibaldi, avec un projet de métro également très spectaculaire. C’est une station qui est à 48 mètres de profondeur, donc similaire à celle de Gustave-Roussy. On a déjà  expérimenté le système de descente avec les escalators, avec des matériaux en métal réfléchissant, qui conduisent la lumière jusque profondément dans le sol. Cela fonctionne très bien, c’est très impressionnant. Et extrêmement agréable : les gens n’imaginent pas qu’ils se trouvent à une telle profondeur. Cela devient même un événement. C’est très joyeux !
 
Le procédé existe-t-il ailleurs en France ?
À cette profondeur-là, je ne crois pas. Mais ce n’est pas un concours de profondeur, c’est un concours de confort, en grande profondeur. Nous travaillons beaucoup sur ces sujets-là. J’enseigne à l’Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, où nous travaillons, au sein d’un laboratoire appelé SUB, sur “l’épiderme” des villes, sur le souterrain. Nous développons des projets qui permettent de donner des racines aux bâtiments. L’idée n’est pas de les surélever mais de les prolonger dans l’épaisseur du sol, où l’on trouvera des services, des fonctions qui vont intensifier l’activité urbaine, diversifier les usages et créer de la résilience, car cela évite de se déplacer. Ce sont des sujets de recherche très contemporains, des éléments de réponses pour l’urbanisme de la métropole.  

Vous évoquiez les activités dans la gare. Y trouvera-t-on par exemple des commerces ?
Des commerces oui, mais on s’oriente aussi vers des services, par exemple du coworking, des lab fabs, un nouveau type d’agence postale, des lieux dédiés à l’e-commerce, des databases pour les entreprises qui s’installeront dans le quartier, etc. L’idée est que les commerces se trouveront au pied des immeubles et pourront descendre en sous-sol si ce sont des commerces importants. De même pour des équipements tels les gymnases, qui pourront être directement reliés à la gare par ce réseau souterrain. On habite au-dessus du sol et on intensifie la diversité des services, des équipements, des échanges entre les transports, grâce à la gare.

Ce projet revêt-il une complexité exceptionnelle ?
Creuser en profondeur n’est pas plus compliqué que de monter très haut, car nous maîtrisons parfaitement les techniques d’ingénierie qui nous permettent de concevoir ce type de projets. La principale difficulté est que les lignes 14 et 15 s’y croiseront. Des milliers de personnes seront en correspondance et chercheront à aller d’une ligne à l’autre, ce qui crée une complexité de flux importante. Mais tout est relatif : c’est bien moins complexe qu’une station de métro à Shanghai !
 
Comment se projette-t-on pour imaginer une gare du futur comme celle-ci ?
Il faut que tous les acteurs concernés par la transformation de la gare et de son quartier imaginent cette gare du futur, et surtout ses prolongements. Il ne faut pas cesser d’imaginer et de partager ensemble ce projet urbain, de façon à ce qu’il intègre et qu’il rassemble toutes les fonctions, les informations et les visions qui vont se mettre en place dans les prochaines années. On parle d’une ouverture à l’horizon 2020-2021. Tout sera donc vraiment opérationnel dans le quotidien des métropolitains autour de 2025. À ce moment-là, on ne se souviendra plus du chantier, le quartier sera complètement habité, il y aura des nouvelles fonctions. Il faut donc penser cette gare comme si nous étions en 2025. Les architectes et les urbanistes voient loin : construire un bâtiment dure 5 à 7 ans, alors que pour un quartier, c’est parfois 10 à 20 ans. Des délais beaucoup plus longs que des mandats électoraux ! On n’a donc pas forcément la même vision si on est un décideur politique ou un architecte.
 
Quelles seront les connexions possibles, en termes d’intermodalité ?
Il y a déjà l’intermodalité entre les deux lignes du Grand Paris Express. On passera de l’une à l’autre de façon presque évidente : pas par un tunnel, comme dans le métro parisien aujourd’hui, mais à travers des espaces ouverts. Il y aura des liens très visuels entre les différentes rames : comme les deux lignes se croiseront au cœur du cylindre, on pourra les voir se croiser. Ensuite, au niveau de l’espace public, il y aura des stations de vélo, d’Autolib, des correspondances avec les bus, les taxis, etc. La même philosophie que les plateformes d’échanges dans les gares ferroviaires ou dans les aéroports. Il y aura tout ce qui sera à notre portée dans 10 ans, en termes de sharing services. Ce sera un lieu de partage.  
La gare participera-t-elle, d’une manière ou d’une autre, à la transition énergétique du quartier qui l’entoure ?
Évidemment, puisque c’est une gare à éclairage et ventilation naturels. Il y aura de l’éclairage électrique, bien sûr, mais qui sera réduit et qui sera utilisé en cas de nécessité. Sinon, tout sera naturel et la gare vivra au rythme des saisons. Cela change les choses ! »


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