Dominique Perrault Architecture

chargement
SUIVANT

2003   |   2009

Théâtre Mariinsky II

Saint Petersbourg, Russie

Concours international sur invitation
projet lauréat juin 2003

« Comment ne pas être ému par les couleurs de Saint-Pétersbourg ?
Non seulement les couleurs du temps mais aussi celles de la ville, de sa silhouette ponctuée d’éclats d’or. Car il s’agit bien de cela : de reflets, de brillances, de miroitements, autant de signes qui se prolongent dans le paysage hivernal, ou sur la surface des canaux.
 
Autant dire que cette féerie urbaine constitue aujourd’hui la géographie de Saint-Pétersbourg. Des globes, des dômes, des coupoles et des flèches d’or balisent la cité, marquent les lieux de religion, inscrivent la place des palais-musées, mais laissent dans l’ombre l’OPERA.
 
La présence de ces couronnements dorés contribue au rayonnement de Saint-Pétersbourg. Cette scénographie à l’échelle de la ville ne peut pas laisser en absence le Mariinsky. Au cœur d’un tissu complexe de canaux et de rues, le projet du nouveau Mariinsky doit rendre compte de ses origines, tout en montrant qu’il est l’œuvre du futur, d’un Saint-Pétersbourg contemporain protégeant son patrimoine comme un précieux trésor, mais s’ouvrant aussi sur le monde pour que celui-ci puisse l’admirer.
 
Cette alliance entre histoire et modernité a fait naître un concept d’architecture qui offre la meilleure organisation fonctionnelle à la machine scénographique de l’opéra, et la plus symbolique présence de l’Art de l’opéra.
 
Deux projets cohabitent pour n’en créer qu’un seul, unique et indissociable :
- l’un s’attachant à la mise en place pragmatique et rationnelle de l’outil « opéra »,
- l’autre tissant des liens avec le contexte environnant, et se laissant traverser par un public émerveillé de pouvoir accéder au cœur du mystère, pénétrer dans l’architecture, s’élever avec elle, vivre l’ampleur de cet art dont il a été trop souvent exclu, restant en dehors de l’édifice, au pied de la façade principale, surtout s’il n’est pas mélomane.
 
Visible, comme les autres monuments majeurs de Saint-Pétersbourg, la coque dorée du nouvel opéra ne suit pas les formes du bâtiment. Elle s’en écarte, vient même envelopper sans les toucher les berges du canal. Elle s’envole au-dessus des salles, libérant de vastes volumes, comparable au dessous d’une coupole.
Comme un habit de lumière, elle se déploie largement « autour du corps », laissant des espaces libres ouverts sur la ville, prolongeant l’espace public à l’intérieur de l’édifice comme une succession de foyers formant une généreuse galerie couverte reliant grande salle et salle moderne, restaurants, cafés, boutiques et autres services.
 
Profitant de cette distance entre enveloppe et bâtiment, les dessus de l'édifice se transforment en terrasses, en balcons, en belvédères. On émerge au-dessus des toits, on perçoit au travers de son architecture la présence de la ville. Les hauts du bâtiment sont accessibles par tous, de jour et de nuit, pendant l’événement, pendant les répétitions, pendant les montages et démontages. Ils constituent la partie visible de l’iceberg, celle mise à disposition, celle où l’on se promène, celle que l’on visite, celle où l’on se rencontre, où l’on se donne rendez-vous – à l'OPERA.
 
Cette ouverture et cette perméabilité de l’architecture ne gâchent rien du mystère de l’opéra. Derrière le masque d’or, on pénétrera dans un imposant volume de marbre noir, pour y découvrir la grande salle, lieu mythique, toujours fastueux, éternellement surprenant. Ici le rouge et l’or se confondent comme une immense fresque, dont l’image aurait été projetée sur les sièges, les balcons, les murs et le plafond. On entre dans une peinture, dans une tapisserie qui s’inspire de l’ornementation de nos plus belles salles classiques.
 
Cette image déformée, presque floue, de la décoration propre à l’art lyrique, nous fait entrer dans un rêve, dans une vision poétique, au-delà du design des sièges, des lampes et autre mobilier. Nous somme ici dans un univers pictural. Le décor est dans la salle, puis lorsque la lumière s’éteint le décor est sur la scène. La création de cette fresque, comme un paysage dans lequel on prendra place, transforme le public en acteur, introduit le vivant dans cette « nature morte » décorative, ajoute à la dimension lyrique un parfum d’onirisme.
 
Derrière cet immense « papier peint » se cache l’outil « opéra ». L’autre versant de la coque laisse voir l’ensemble des fonctions de fabrication des événements : accès des camions, du personnel, atrium en forme de passage couvert pour accéder aux salles de répétitions, aux différentes scènes, aux vastes espaces techniques et scénographiques, mais aussi aux bureaux, aux dressings et enfin à la salle de ballet.
 
Dans cette aile, tout s’organise rationnellement, afin que chaque lieu soit accessible facilement et directement à partir de cette colonne vertébrale qui traverse dans sa longueur l’édifice. Cet espace de circulation et de communication, véritable épine dorsale, connecte entre elles toutes les fonctions de l’Opéra, comme une rue intérieure réservée au personnel et aux visiteurs autorisés. Cette face privée de l’édifice constitue un contre-point architectural de celle publique et flamboyante décrite précédemment. Son architecture de marbre noir, avec ses façades en verre sombre doublé intérieurement de tissu rouge compose des masses géométriques pures et lisses strictement agencées selon les exigences fonctionnelles du programme de l’Opéra.
 
L’apparition de cette géométrie raisonnée crée une articulation architectonique avec les architectures environnantes le long des rues. Cette différence d’écriture architecturale qualifie l’avant et l’arrière du bâtiment, le rapproche du Mariinsky sur l’autre rive, et l’installe dans le tissu urbain avec façade sur place, sur canal et sur rues. Le contact avec l’opéra existant n’est pas seulement visuel, il est aussi physique : avec cette passerelle télescopique sortant de la coque dorée pour « se brancher » sur la façade historique de l’autre côté du canal. Aussi avec ce projet -que l’on espère réaliste- de creuser profondément un lien entre le foyer de l’ancien opéra et celui du nouveau, de s’immerger dans l’un et d’émerger dans l’autre. Avec cette disposition, la perspective historique vers l’église Saint-Nicolas est préservée. Le paysage du canal reste intact.
 
 
Apparaître / Disparaître scénographique perpétuelle de l’Opéra, avec ses artistes, ses décors, sa musique et ses livrets.
 
Présence / Absence de l’architecture qui s’inscrit dans la silhouette historique et s’efface derrière son masque d’or.
 
Patrimoine et modernité d’un projet qui s’installe au cœur de la ville historique. Sa beauté, libre d’accès, n’y perd pas son mystère.
 
Forme et fonction d’une organisation fondée par la rationalité et la flexibilité de la technique, se laissant envelopper dans une image architecturale symbole d’un lyrisme encore possible dans notre culture contemporaine. »

Dominique Perrrault
mai 2003
maîtrise d’ouvrage Ministère de la Culture de la Fédération de Russie, Agence pour la culture et la cinématographie, Direction Nord Ouest de construction, reconstruction et restauration de Saint-Pétersbourg

maîtrise d’oeuvre Dominique Perrault Architecture, Paris, Guy Morisseau, Paris (direction technique)
• architecte partenaire « Dominique Perrault Architecture », Saint-Pétersbourg
• bureaux d’études Perrault Projets, Paris (ingénierie architecturale); Georeconstructzia - Foundamentproekt, Saint-Pétersbourg (fondations et structures); Nagata Acoustic, Santa Monica/Tokyo (acoustique de la grande salle); Jean-Paul Lamoureux, Paris (acoustique); Bollinger und Grohmann, Francfort (structure coque dorée et façades extérieures); HL-Technik, Munich (études environnementales)
Changement à vue, Paris (scénographie)
• consultant Joseph Clark, directeur technique du Metropolitan Opera de New York

situation 1 place Teatralnaya, Saint-Pétersbourg, Russie
superficie du site 14 000 m²
surface construite 60 000 m² (SHOB)
volume construit 340 000 m³ (240 000 m³ bâtiment et 100 000 m³ sous coque) aménagements urbains parvis et promenade le long du canal

début des études d’exécution 2007
durée prévisionnelle des travaux 4 ans

concept La nouvelle scène se situe à côté du théâtre Mariinsky actuel, le long de sa façade ouest, juste de l’autre coté du canal Kryukov. Cette partie ouest de Saint-Pétersbourg est une zone historique protégée abritant notamment la Cathédrale Saint Nicolas des Marins. La création d’une seconde scène connectée au théâtre historique dotera le Mariinsky d’un équipement technique unique au monde. 

programme
• La grande salle
Capacité de 2000 places.
L’acoustique de la salle permettra au Mariinsky de rivaliser avec les meilleures salles au monde. La scène principale mesure 32 m de large et 24 m de profondeur, la cage de scène s’élève à 35 m. La fosse d’orchestre peut contenir 130 musiciens.
• Le foyer de la grande salle
Il se développe en une série de balcons connectant les différents niveaux de la grande salle. Il offre ainsi une large vue sur la ville à travers la coque dorée.
• Les salles de répétition
Des espaces de répétition spécifiques pour le ballet, l’opéra, l’orchestre et le choeur sont répartis dans le théâtre.

Théâtre Mariinsky II