Encensé puis délaissé, symbole industriel
devenu pomme de discorde, le 57 Métal, à Boulogne-Billancourt, s'offre
une nouvelle jeunesse sous la houlette du célèbre architecte Dominique
Perrault. Le 14 mars, ce dernier a dévoilé lors d'une réunion publique
le projet de reconversion de cet ancien centre Renault : 37.000 mètres
carrés mêlant espaces collectifs, verdure et bureaux en bordure de
Seine, face à l'île Seguin. Ce projet a la particularité de préserver
partiellement l'ancien bâtiment industriel, oeuvre de l'architecte
Claude Vasconi érigée en 1984, qui valut à son auteur le grand prix
national d'architecture. Le 57 Métal, premier bâtiment de ce qui devrait
être la nouvelle cité industrielle de Renault dans le plan Billancourt
2000, en est aujourd'hui l'unique témoignage, puisque Renault est
finalement parti à Guyancourt. Restent ces halles de briques et de
verre, coiffées d'une succession de sheds, ces toitures en dents de scie
caractéristiques des usines. « Claude Vasconi, que je connaissais
bien et que j'admirais, avait réalisé un chef-d'oeuvre. Nous allons
conserver la partie la plus significative de son oeuvre, la façade
bordant la Seine et un pan du bâtiment avec sa cascade de sheds.
Le reste sera détruit puis reconstruit dans le même esprit que les
immeubles du quartier », explique aux « Echos » Dominique
Perrault. Autrement dit, sans hauteurs excessives. Lancée par BNP
Paribas Real Estate, propriétaire des lieux, la rénovation du bâtiment
devrait s'engager rapidement. Le permis de construire pourrait être
instruit d'ici la fin de l'année. Le plan local d'urbanisme (PLU) est en
révision.
L'épilogue d'une interminable sagaDepuis 2010, date de la cession du site par Renault au gérant de
fonds d'investissement
britannique Europa Capital moyennant 75 millions d'euros, le sort du
bâtiment n'avait cessé de diviser élus locaux, riverains, promoteurs et
ayants droit de Claude Vasconi. En jeu : la démolition de l'édifice,
souhaitée par Europa Capital, au profit d'un bâtiment plus imposant. « Les
positions étaient très antagonistes. La Mairie ne voulait pas de ce
projet de démolitionreconstruction, mais l'Etat n'était pas contre. Les
riverains, eux, craignaient la "pollution visuelle", les hauteurs. Les
héritiers de Claude Vasconi voulaient sauver le site. Enfin, Renault ne
souhaitait pas une charge de dépollution trop lourde. C'était le blocage
total », raconte le préfet honoraire Jean-Pierre Duport, nommé par le gouvernement pour dénouer le conflit qui s'envenime entre
recours
en justice, coups de théâtre et pétitions de personnalités. En quête de
solutions, le médiateur cherche, dix-huit mois durant, un avenir à ce
bâtiment hors norme. Il s'attelle notamment au délicat problème de la
dépollution des sols - importante en raison du passé industriel du site
-, qui cristallise les angoisses, les produits étant jugés cancérigènes.
A l'été 2015, la revente du bâtiment, rebaptisé Square Com, à BNP
Paribas Real Estate contribue à débloquer les choses. BNP,
qui travaille déjà avec Dominique Perrault, demande à l'architecte de
reprendre les choses en main. Un compromis est trouvé. Les études de
dépollution seront assumées par BNP, une parcelle est cédée à la Ville
pour un espace vert, et seule la moitié du bâtiment sera détruite. « Le
14 mars, 800 personnes étaient dans la salle et il n'y a pas eu de
réaction très virulente. Nous sommes enfin parvenus au consensus autour
d'un projet qui préserve l'esprit de Claude Vasconi », se félicite
Jean-Pierre Duport. Un dénouement rendu possible par l'absence de
classement du bâtiment, pourtant demandé. Et qui, de l'avis de Dominique
Perrault, s'inscrit dans l'air du temps. « Désormais, nous, architectes, aurons sans doute plus de mètres carrés à réhabiliter qu'à construire. »