Dominique Perrault : Architecte

Biographie


Philip Jodidio, Texte rédigé pour le Praemium Imperiale 2015

« Traçant sa propre voie dans l’architecture contemporaine, Dominique Perrault a vu sa renommée s’accroître au fil des années, tant en France qu’à l’étranger. Né en 1953 à Clermont-Ferrand, il étudie à Paris où il obtient son diplôme d’architecte à l’École des Beaux-Arts en 1978, puis un diplôme d’urbanisme à l’École nationale des Ponts et Chaussées en 1979 et enfin un Master d’histoire à l’EHESS en 1980. En 1981, il crée son cabinet à Paris. Avec déjà plusieurs réalisations à son actif, sa carrière s’envole en 1989 lorsque, sélectionné par un jury international, il se voit confier la conception de la Bibliothèque nationale de France. Dernier des Grands Travaux mis en œuvre par François Mitterrand, projets culturels parmi lesquels figure la Pyramide du Louvre de I.M. Pei, la BnF est constituée de quatre tours hautes de 79 mètres, imaginées comme des livres ouverts autour d’une cour en contrebas. L’édifice présente plusieurs particularités chères à Perrault, notamment des façades en « cotte de maille » qu’il préfère à l’aspect lisse des surfaces modernes. Le jardin central est remarquable en lui-même. « Le mouvement moderne, » explique Perrault, « a toujours eu une relation très puritaine avec la terre. Quand Le Corbusier a imaginé de percher ses maisons sur des pilotis pour qu’elles ne touchent pas le sol, sa démarche a paru très étrange. Or dans ce projet, la terre n’est plus le niveau de référence puisque le bâtiment se fond avec la nature. À Paris, on a l’impression que le jardin de la Bibliothèque est au niveau de la Seine alors qu’en réalité il est dix mètres en dessous. On dirait presque que le jardin a précédé le bâtiment et que la Bibliothèque est là, en quelque sorte, pour le protéger. Ici la relation avec la terre est complexe, elle va à l’encontre des principes modernistes habituels. »  Précisant sa pensée, Perrault ajoute : « Le jardin n’est pas seulement beau, il est sacré. Les visiteurs n’y ont pas accès. Il est le lieu symbolique de naissance de la Bibliothèque, il diffuse le calme et la lumière à l’intérieur du bâtiment. Il est, d’une certaine façon, le jardin originel. » 
Vingt ans après son inauguration en 1995, La BnF reste aujourd’hui l’un des bâtiments publics contemporains les plus importants de France.

Perrault continuera de creuser la terre autour d’autres projets également novateurs, notamment le Vélodrome et la Piscine Olympique de Berlin (1992-99) et plus récemment l’Université féminine d’Ewha en Corée (2004-08). Celle-ci présente l’aspect d’un mont de terre traversé d’une entaille donnant accès à l’établissement. Cette inversion de l’ordre établi, tant topologique que stylistique, caractérise fondamentalement la contribution de Perrault à l’architecture contemporaine. Le Praemium Imperiale qui lui est décerné cette année en consacre la portée internationale. 

Chaque nouveau projet – la reconstruction et l’extension de la Cour de Justice de l’Union Européenne (chantier ouvert au Luxembourg en 2008), la reconversion de la Poste du Louvre (2018) ou encore la DC Tower de Vienne, haute de 250 mètres (2014) – présente un défi, tant par sa dimension que sur le plan technique, défi que Perrault relève toujours avec autant d’inventivité. L’innovation qu’il apporte est avant tout théorique mais également esthétique. D’aspect résolument contemporain, ses œuvres révèlent des trésors d’imagination dans le choix des matériaux et des surfaces. Ce regard innovant sur l’architecture, Dominique Perrault s’emploie à le partager sur DPAx, plateforme de recherche créée à son initiative qui « revendique un dialogue multidisciplinaire pour explorer l’architecture selon différentes perspectives. »

À travers ses réalisations, ses projets et sa réflexion, Dominique Perrault s’est forgé une place inégalée dans le monde de l’architecture contemporaine. Encore jeune par rapport à ses pairs au sommet de la profession, il est clairement destiné à être de plus en plus largement considéré comme l'un des piliers de sa génération. »