Dominique Perrault Architecture

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1996   |   2008

Cour de Justice de l'Union Européenne - 4ème extension

Luxembourg, Luxembourg


Faisant suite à la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (1951), la Cour de justice de l’Union européenne a été accueillie dans différents bâtiments, répartis sur un même site. Ces derniers ont évolués, par plusieurs extensions ou créations d’annexes, au fur et à mesure que s’élargissait la Communauté européenne et les besoins de la Cour. En 1996, alors que l’Europe regroupe 15 pays, le Grand-Duché de Luxembourg et son Ministère des Travaux publics lancent un concours pour une quatrième extension de la Cour. Dominique Perrault remporte le concours, en association avec l’agence luxembourgeoise Paczowski & Fritsch, en développant trois hypothèses spatiales différentes : “l’Étui”, “l’Écran” et “l’Anneau”. C’est cette dernière hypothèse qui sera choisie. La quatrième extension, mettant en valeur le paysage architectural qui existait aux origines, multiplie la surface de la Cour par trois (celle-ci passant de 50 000 à 150 000 m2) avec la construction de deux tours, un anneau de bureaux entourant le Palais de justice d’origine réhabilité, ainsi qu’une grande galerie de liaison transformant l’ensemble des entités éparses de la CJUE en un tout cohérent et connecté à la ville et au quartier européen du plateau de Kirchberg.



Michèle Champenois
«À Luxembourg, la justice érigée en palais», Le Monde 2 - 14 février 2009
Extraits

«Deux tours de 24 étages signalent sur le plateau du Kirchberg, à bonne distance du centre ancien de la ville de Luxembourg, ce nouveau palais qui allonge ses façades mordorées sur 600 mètres de long et s’ouvre désormais sur un immense parvis. Quand on s’approche, sur cette acropole européenne, du nouveau palais de justice, on perçoit comment l’architecture, soulignée par de fortes structures de métal noir, joue une partition classique de colonnes et de portiques, avec une écriture parfaitement contemporaine et aérienne: par le jeu maîtrisé des vides, par des escaliers ajourés et des transparences multiples, selon un parcours incitatif plutôt qu’impératif, elle conduit celui qui entre ici à éprouver la majesté du lieu sans en être écrasé.

Loin des statuaires imposantes et des colonnades néoclassiques dont le XIXe siècle a su habiller les temples du droit, la CJCE s’installe sans ambiguïté dans le XXIe siècle, grâce à un édifice parfaitement contemporain qui accepte en son centre le témoin de sa propre histoire, c'est-à-dire le premier bâtiment construit en 1973, "exemple unique d’architecture métallique de cette qualité en Europe", souligne Dominique Perrault. Elle l’entoure, le magnifie et se déploie, à l’image d’une Europe qui s’est élargie, agrandie et qui cherche son unité.

Luminaire elliptique
Dans leur nouvelle agence-loft du faubourg Saint-Antoine, à Paris, les 70 architectes qui œuvrent pour DPA affirment la cohérence et la maîtrise de leurs choix. L’apport artistique y joue son rôle, notamment à travers la mission que mène Gaëlle Lauriot-Prévost, responsable du dessin des mobiliers, de la conception des systèmes d’éclairage, des aménagements intérieurs, dans tous les projets. […] C’est elle qui a dessiné, pour Luxembourg, le majestueux luminaire elliptique qui accueille dès l’entrée et donne, avec ses 22 mètres de largeur, l’échelle du lieu, à une distance exacte des parois du verre et du haut plafond. […]. Utilisés en très grandes dimensions comme parement, claustra, cloison-rideau, [les tissages métalliques] contribuent à anoblir l’espace en gardant une sobriété moderne. Parce que les juges voulaient la lumière du jour dans la grande salle d’audience et rester à l’abri des regards en même temps, a été conçu le majestueux baldaquin d’aluminium anodisé couleur bronze qui couronne et solennise la grande salle d’audience.

Une géométrie sans trucages
L’agence affirme ainsi une écriture commune où la modernité entre en correspondance avec le langage classique de l’architecture et où les matériaux jouent une partition soignée, subtile et mélodique: verres teintés, écrans de métal, pare-soleil, accompagnent et modulent une géométrie généralement très franche, tranchée, sans trucages et sans afféterie. Sévère parfois, cartésienne toujours, accueillante pourtant. Si Dominique Perrault souligne la logique de ses plans, il n’ignore pas leur dimension urbaine, le raccordement au terrain ou au quartier… quand il existe. C’est d’autant plus nécessaire à Luxembourg que le site, le plateau du Kirchberg, trente ans après le début de son aménagement, est encore en devenir. De grandes avenues, des édifices isolés, pas de vie urbaine, même si l’horizon proche est adouci par la présence gracieuse de la Philharmonie de Christian de Portzamparc.

Quand on vous dit "c’est un palais de justice", on entend "ce n’est pas une simple cité judiciaire" ni un banal ensemble bureaucratique. Il s’agissait de donner une forme noble à cette juridiction européenne qui reçoit 15 000 visiteurs par an et qui joue un rôle certes peu connu, mais équivalent à la fois au Conseil constitutionnel et au Conseil d’État, si l’on compare avec la France.

Or les citoyens européens n’ont pas de la justice la même image. Ici à Luxembourg, ils trouvent un alliage raisonnable de solennité et de proximité démocratique. "L’architecture ne se fait jamais tout seul, il faut être au moins deux, et le commanditaire joue un rôle essentiel", rappelle Dominique Perrault, rendant hommage à l’engagement - décisif pour un projet de cette ampleur -, la constance et la détermination de son interlocuteur permanent, le greffier de la Cour.

"Quand nous avons été choisis en 1996, nous avons proposé trois options: une tour isolée, un autre bâtiment isolé, ou bien l’anneau qui permettait d’agrandir et d’amplifier le bâtiment historique, celui que la Cour souhaitait conserver. Leur choix a été très net: la Cour a choisi le projet de l’anneau", raconte Dominique Perrault. Les linguistes-juristes sont logés, avec des bureaux en plein ciel, dans les deux tours. Juges et avocats généraux peuvent se retirer dans les espaces privés de l’anneau. L’apparat des délibérations est assuré par le baldaquin bronze et des lustres à l’ancienne orneront les antichambres, comme un hommage décalé aux ornements traditionnels de l’institution, là où les juges revêtent leur robe.

L’Europe grandit et avec elle les institutions qu’elle s’est données. Tant d’exemples chaotiques, à Bruxelles ou ailleurs, dans la manière dont les bureaux s’ajoutent aux bureaux, détruisent la fibre urbaine autour d’eux, incitent à considérer comme exemplaire la manière dont la Cour de justice, à Luxembourg, cherche à créer un espace à l’échelle du site où elle se trouve. Et surtout prend en compte sa propre histoire architecturale en conservant (une fois désamianté) l’édifice originel de Jean-Paul Conzemius, le premier palais, mais aussi les extensions en granit rose qui lui servent de contrefort, construites à partir de 1988 par Bohdan Paczowski et Paul Fritsch, aujourd’hui associés à la transformation réussie.

À l’origine du projet, deux nécessités objectives. Évidemment, l’élargissement de l’Europe. […] Mais aussi l’obligation de désamiantage pour le palais initial […] De 1999, date du choix définitif du projet, à 2008, fin des travaux, on compte quatre années de chantier proprement dit, ce qui, pour un coût de 350 millions d’euros et 120 000 m² au total, semble presque raisonnable.

Pour assurer l’unité de tous ces éléments - le palais, ses contreforts, les tours des traducteurs -, une grande galerie en contrebas, éclairée par un plafond de verre où la charpente de métal noir, posée en quinconce, produit un effet optique qui en anime le parcours, sert de rue intérieure et relie, à l’abri des intempéries, les différents corps de fonctionnaires. Ils ont ainsi accès à la bibliothèque et, chaque jour, au restaurant, ou à divers services communs. L’unité européenne, architecturale et juridique, vécue au quotidien.»
maîtrise d’ouvrage Cour de Justice de l’Union Européenne ; Grand-Duché du Luxembourg et Ministère des Travaux publics.

situation plateau du Kirchberg, Luxembourg, Grand Duché de Luxembourg

maîtrise d’oeuvre Dominique Perrault Architecte, Paris
architectes associés Bureau CJ4 (Dominique Perrault Architecte, Paczowski & Fritsch, m3 architectes), Luxembourg

Direction artistique, lustreries et mobiliers Gaëlle Lauriot-Prévost
Ingénierie structurelle : Guy Morisseau, París. Gehl, Jacoby & Associés, Luxembourg. Schroeder & associés.
TR-Engineering, Luxembourg
Acoustique et éclairage : Jean-Paul Lamoureux, Paris
Ingénierie électrique : Felgen & Associés, Luxemburgo. Bevilacqua & Associés, Luxembourg
Ingénieur thermique : Jean Schmit Engineering, Luxembourg
Fluides : RMC-consulting, Luxembourg
Consultant Façade : Rache - Willms, Aachen, Germany. Marion Consulting, Colmar, France
Sécurité : Cabinet Casso et cie, France
Bureau de contrôle : Secolux, Luxembourg. AIB Vinçotte, Luxembourg
Direction de projet : Geprolux SA, Luxembourg

superficie du site 76000 m²
surface construite 124000 m² (SHOB)
volume construit 380000 m3
hauteur des tours 103m depuis le niveau de la galerie / 27 étages

aménagements urbains parvis et études urbaines  pour l’aménagement du plateau du Kirchberg


concours 1996
début des études d’exécution juin 2002    
début des travaux avril 2004
livraison 2008

programme
• l’ancien palais 20168 m² : désamiantage, réhabilitation de la structure métallique,
5 salles d’audience dont une grande salle protocolaire (41 membres et 300 places assises) cabines d’interprètes, salles des délibérés et salle des pas perdus.
• l’anneau 16851m² : bureaux des 40 cabinets de membres(juges, avocats généraux et leurs collaborateurs), grande salle des délibérés.
• les tours 34208 m² : 24 étages de bureaux (107m de haut) pour l’ensemble des services de la traduction, 1000 personnes et 23 langues.
• bâtiments au pied des tours 5079m² : bureaux administratifs, services annexes, archives trouvent leur place dans ces espaces.
• la galerie 24132m² : restaurants, bibliothèque (84 places de lecture et 7,5km de rayonnages) salles de formation, salons, équipements publiques (kiosques, banques…).
• parvis et parking 23589m² : donne accès à l’entrée majeure du palais depuis la rue Charles-Léon Hammes. Sous l’esplanade se trouve un parking de 700 places.
Cour de Justice de l'Union Européenne - 4ème extension