Dominique Perrault
18/09/2015
« Cet édifice s’inscrit dans une histoire longue qui trouve son origine lors de la création du nom de l’Île de Nantes qui, sous un même nom, permit au maire de l’époque Jean-Marc Ayrault et aux architectes urbanistes Dominique Perrault et François Grether de rassembler plusieurs îles en un seul territoire.
Aujourd’hui, plus personne n’oserait imaginer que l’Île de Nantes ne soit pas le cœur du cœur de la métropole nantaise.
La Biennale de Venise en 2010 a accueilli dans le pavillon français l’exposition « Métropolis ? » dans laquelle Nantes et son île figuraient au premier plan et tenaient haut la comparaison avec les autres métropoles de Lyon, de Marseille et de Bordeaux.
C’est dire si ce bâtiment, construit à un jet de pierres du noir Palais des Sports, chef d’œuvre de l’architecte Jean-Luc Pellerin, entre en résonnance avec les tracés de par sa couleur, son rythme et sa radicalité graphique.
Il s’agit de mettre en place un bâtiment de bord de rue aux proportions allongées et, dans le même mouvement, de créer une architecture de tête visible et reconnaissable de tous les points de vue à partir des grands boulevards adjacents.
Comme des doigts qui s’entrecroisent, les différents volumes viennent créer une charnière qui symbolise l’interactivité et la synergie entre les différents départements du groupe KERAN.
Cette articulation organise ainsi le passage entre la façade Nord ouvrant sur la rue René Viviani et la façade Sud ouvrant sur la voie ferrée.
Elle permet ainsi de créer en termes de design le passage d’une façade sculptée à une façade plane.
Le relief de la première est amplifié par des jeux de sous-face en métal poli-miroir, qui multiplient les éclats et les reflets de la lumière et des mouvements de la rue Viviani.
La planéité de la seconde est aussi vivante, par le jeu et les mouvements des brise-soleil qui la protègent.
Ainsi, c’est un bâtiment à trois faces, l’une stratifiée au Nord, l’autre imbriquée en pignon d’entrée et la dernière, sérielle, en touches de piano de métal et de verre.
Ce travail d’enveloppe dialogue avec l’environnement urbain mais aussi avec l’environnement intérieur du bâtiment car des loggias sont creusées, mais aussi un grand balcon d’attique est mis en place, un jardin de bord de rue s’y adosse.
Ces éléments d’architecture prolongent les espaces intérieurs qui sont eux-mêmes aménagés en parois de verre transparentes, sablées ou opaques, apportant de larges visions et baignant l’intérieur de l’édifice d’une généreuse lumière naturelle.
Un escalier ouvert à tous et sans cloison relie en toute liberté les paliers ouverts et conviviaux de chaque niveau.
On sent ici des pratiques de rencontres, d’échanges, de partage et, à terme, certainement, de mutualisation.
Les principes d’organisation des plans intérieurs sont simples, linéaires et rationnels, permettant de passer facilement du bureau individuel à des plateaux open space au gré des besoins d’organisation de production de la société.
En conclusion, l’immeuble apparaît comme solide, dense et compact.
La multiplication des baies vitrées comme des hublots de transatlantique montre qu’il y a du monde à bord.
Cette activité, que l’on imagine intense, met en mouvement la masse du bâtiment, l’orientant vers le grand carrefour, croisée des grands axes de l’Île, tant dans son travers que dans sa longueur.
Ainsi, la boucle est bouclée. »